Les échos du passé
Les manifestations qui débutent le 10 novembre 2011 n’ont rien d’une révolution. Il suffit de se rappeler la mobilisation étudiante de 2005 pour y entendre des échos familiers.
L’année scolaire 2004-2005 reste marquée d’un X dans le calendrier des manifestations étudiantes.
En réplique à une coupure de $103 millions dans les programmes de prêts et bourses, l’insurrection étudiante ne s’était pas fait attendre: une grève de sept semaines et 230,000 personnes dans les rues avaient finalement eu raison de la tentative du gouvernement libéral qui avait rendu les armes et les $103 millions en mars 2005.
Contexte à comparer
Simon Grandjean-Lapierre, à titre de Président de l’Association des Étudiants du Collège Lionel-Groulx, était monté aux barricades durant l’année scolaire 2004-2005 pour contester les coupures.
Il se souvient du contexte politique de l’époque: «Le gouvernement était fraîchement élu de 2003, il n’y avait donc pas de grogne comme en ce moment, et certainement pas autant de protestations.»
Quant au contexte médiatique, l’une des plus grandes différences perçues par Laurent Gauthier, actuel Vice-Président aux affaires universitaires à la Fédération étudiante universitaire du Québec, demeure dans la présence des médias: «En 2004, le sujet sortait moins dans les médias parce que le mouvement étudiant publiait moins de recherche».
En effet, en publiant des rapports chiffrés sur l’endettement étudiant, la FEUQ s’attire plus de partisans qui peuvent fonder leur engagement sur des faits tangibles.
L’influence des gains du passé
Récupérer les $103 millions demandés, après sept semaines de grève, Simon Grandjean-Lapierre qualifie cela de «gain symbolique».
En effet, si les $103 millions n’ont finalement pas été déduits du programme de prêts et bourses, «on ne faisait que récupérer l’argent qui nous appartenait, nuance-t-il. De plus, le total en jeu était minime sur le budget du gouvernement».
Toutefois, d’après l’ancien président du collège Lionel-Groulx, le message était clair: la solidarité fait bouger les choses.
Pier-André Bouchard St-Amand, président de la FEUQ en 2004-2005 soutient qu’il y a eu autant de gains positifs que négatifs suite à cette grande manifestation. Le retour des 103 millions était évidemment très important, puisque c’était le fondement de la campagne. «Il y a aussi eu une prise de conscience collective. Les étudiants avaient l’impression de participer au débat civique.»
Par contre, la conviction d’avoir accompli une grande avancée s’est dissipée avec le temps. L’ancien homme fort de la FEUQ avait notamment l’impression que la jeunesse qui s’était levée allait prendre des mesures pour changer le paysage politique après 2005.
«Après huit ans avec les libéraux, on voit que ce n’est pas vrai. Les circonstances ne sont plus les mêmes.»
Les acteurs du changement
Si la communauté universitaire restera toujours contre toute forme de hausse des frais ou de coupures budgétaire, qu’en est-il de ceux qui ne sont pas directement touchés?
Le corps enseignant, par le biais de la Fédération Québécoise des professeures et professeurs d’université s’insurgeait contre les coupures en 2004-2005 et
s’inquiète encore aujourd’hui des conséquences de la hausse des frais.
À l’opposé, traditionnellement, la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, suit les décisions du gouvernement en place. Le citoyen moyen, quant à lui, réagit différemment en fonction du combat mené.
«La société civile n’était pas impliquée de la même manière en 2005, puisque les coupures dans les prêts et bourses, soit l’aide aux plus pauvres, bouleversaient toute la société» tient à souligner Laurent Gauthier, Vice-Président actuel aux affaires universitaires de la FEUQ. «Aujourd’hui, c’est un combat plus idéologique qui rallie les étudiants» souligne-t-il.
Pier-André Bouchard St-Amand voit plutôt la hausse de $1625 en cinq ans comme une stratégie en défaveur des libéraux en comparaison avec les coupures de 103 millions: «Lorsque le gouvernement a touché aux prêts et bourses, il a seulement atteint une parcelle de la population. «Maintenant qu’il touche 100 pour cent des gens, il suscite un potentiel de mécontentement bien plus grand».
Et maintenant…
Pour ceux qui manifesteront cette année, Simon Grandjean-Lapierre y va d’un conseil: ne pas avoir peur des mythes et médisances politique.
Par exemple, le gouvernement menaçait les étudiants en grève de retenir leur diplôme, de faire payer les sessions supplémentaires, etc. «Évidemment, ce ne sont jamais des choses qui se concrétisent» assure-t-il.
Il ne faut tout de même pas oublier qu’il y a toujours des limites à ne pas dépasser. «C’est correct de manifester, mais il faut faire la part des choses; l’acharnement des manifestants n’apporte jamais rien de plus».